mercredi 24 décembre 2014

LIBERTE de Toni Gatlif (FR-2010)


Liberté, également titré Korkoro en romani est un film français, réalisé par Tony Gatlif, sorti en 2010.

Synopsis

En 1942, une famille tsigane arrive comme chaque année dans un village du centre de la France pour faire les vendanges. Pendant leur voyage, ils ont recueilli un jeune orphelin, P’tit Claude (Mathias Laliberté). Les lois de l’époque (datant de 1912, elles resteront en vigueur jusqu’en 1969 !!!), imposaient aux "gens du voyage" de faire apposer un visa sur le carnet  anthropométrique dont ils ne devaient jamais se séparer, dès leur arrivée dans une commune française. C’est ce qu’ils font dès leur installation dans le village de Saint-Amand, mais, depuis leur dernier séjour, de nouvelles lois encore plus restrictives, édictées par le régime de Vichy, sont entrées en vigueur. Elles condamnent les nomades à choisir entre la sédentarisation ou l’internement. Les carnets anthropométriques, même à jour, ne suffisent plus à les protéger de la déportation et de l’extermination.

Le maire du village, Théodore (Marc Lavoine), qui est aussi vétérinaire, aidé par l’institutrice et secrétaire de mairie, Melle Lise Lundi (Marie-José Croze) essaient de les protéger. Théodore adopte le P’tit Claude comme s’il était son propre fils. Melle Lundi  propose aux enfants gitans qui acceptent de venir à l’école pour apprendre à lire. Trois d’entre eux, seulement, viennent, dont Taloche (James Thiérrée), un tsigane adulte mais simplet et fantasque.

Un jour, en se rendant au campement de ses amis gitans, P’tit Claude le trouve déserté. Les gitans ont tous été raflés par la police française et enfermés dans un camp provisoire d’où ils risquent d’être déportés. Pour les sauver, Théodore décide de les rendre propriétaires d’une maison et d’un terrain qui lui viennent de sa famille. Leur « sédentarisation » doit leur permettre d’être libérés mais les Tsiganes emménagent à contrecœur dans les bâtiments délabrés car cela s’oppose à toutes leurs traditions de liberté et à leur terreur des « fantômes » qui, selon leurs croyances, habitent les lieux habités par les gadjos.

Taloche, très près de la nature, a une prévention particulièrement exacerbée contre cette vie qu’on les oblige à vivre. Malgré les manifestations de racisme et les préjugés de certains villageois, Théodore résiste. Hélas, Mademoiselle Lundi est arrêtée par la Milice pour avoir établi de fausses cartes d’identité pour les résistants. En tant que maire du village, Théodore est aussi arrêté pour complicité. P’Tit Claude n’ayant plus d’endroit où aller, il rejoint ses amis gitans qui décident de fuir le village et de trouver refuge dans la forêt où ils seront finalement débusqués, arrêtés, et déportés.

Distribution

  • ·         Marc Lavoine : Théodore Rosier
  • ·         Marie-Josée Croze : Mademoiselle Lundi
  • ·         James Thiérrée : Félix Lavil dit Taloche
  • ·         Rufus : Fernand
  • ·         Carlo Brandt : Pierre Pentecôte
  • ·         Mathias Laliberté : P'tit Claude
  • ·         Bojana Panić : Tina
  • ·         Arben Bajraktaraj : Darko


A savoir

Tony Gatlif qui, depuis son 4ème film, Corre Gitano (1981), n'a cessé d'aborder le thème des gitans, est né en Algérie, d'un père kabyle et d'une mère gitane, et il est arrivé en France durant la guerre d'Algérie, en 1960.

Le film traite d’un épisode largement méconnu de la 2ème Guerre mondiale, la persécution des Tsiganes par les autorités de la France de Vichy, en collaboration avec les occupants nazis. Bien que les chiffres soient imprécis, les historiens s’accordent sur le fait qu’entre 250.000 et 500.000 tsiganes, sur les 700.000 qui vivaient en Europe avant la 2nde Guerre mondiale, auraient été exterminés. En France, entre 1940 et 1946, entre 3000 et 4000 tsiganes auraient été internés dans 27 camps. Le film s'inspire par ailleurs de la vie de la résistante Yvette Lundy, institutrice et secrétaire de mairie à Gionges (Marne) qui, déportée à Ravensbrück pour avoir fait de faux papiers, a survécu. Après la guerre, elle est devenue députée du Nord. Elle intervient toujours régulièrement dans les établissements scolaires pour témoigner de son combat.

Le rôle du gitan Taloche est interprété par James Thiérrée, acteur, danseur, metteur en scène, musicien et acrobate, qui a vécu toute son enfance dans le milieu du cirque. Il est le petit-fils de Charlie Chaplin.

Le film a été tourné dans la Loire, dans les monts du Forez, dans les environs de Rozier-Côtes-d'Aurec et de Saint-Bonnet-le-Château. Il a bénéficié de l’aide de la Région Rhône-Alpes.

Récompenses

  • ·         Festival international du film d'histoire de Pessac 2009 : Prix du public.
  • ·         Festival des films du monde de Montréal 2009 : Grand Prix des Amériques, Mention spéciale du prix du jury œcuménique, Prix du public

Je ne sais pas si ce film a obtenu d'autres récompenses et si les acteurs, tous excellents, ont été distingués comme ils l'auraient dû. L'interprétation du chanteur Marc Lavoine, qui, depuis son adolescence, a toujours voulu faire du cinéma et dont c'est le 5ème film, est remarquable de retenue et de justesse. Mais c'est surtout l'extraordinaire prestation de James Thiérrée qui impose la personnalité du gitan Taloche, littéralement "fou" de liberté, que l'on doit remarquer. Mathias Laliberté (10 ans au moment du tournage), en petite bête traquée, est particulièrement émouvant avec ses  grands yeux limpides. Il deviendra certainement un grand acteur.  Et puis il y a toute la famille des gitans, dont la plupart ne sont pas des acteurs professionnels, dont l'intensité du jeu est proprement stupéfiante.

Musique

La musique, qui est une des composantes essentielles de ce film, comme de la plupart des oeuvres du même réalisateur, a été composée par Tony Gatlif lui-même et l'émouvante chanson du générique est interprétée par Catherine Ringer, la talentueuse chanteuse des Rita Mitsuko.

Mon opinion

J'avais regretté de n'avoir pu voir ce film lors de sa sortie au cinéma. C’est une belle œuvre cinématographique et humaine, qui m'a touché au plus profond de moi, non seulement par son propos mais aussi par sa réalisation impeccable, bien loin des pseudo-films de réalisateurs plus connus. C'est aussi une histoire qui commence et qui finit mal, hélas, par la fuite éperdue des Tsiganes épris de liberté.

On ressent physiquement, à travers le regard du réalisateur, leur terreur de l’enfermement et leur amour de la nature, des éléments (l’eau, le vent…) et des animaux avec lesquels ils vivent en symbiose. Les priver de cette liberté est les contraindre à une mort spirituelle et psychologique sans doute encore plus meurtrière que celle qui les attendait dans les camps.

C'est pourquoi on ne peut qu'avoir été doublement choqués et révoltés par les déclarations anti-Roms de M. Nicolas Sarkozy, cet été à Grenoble, qui démontrent un mépris absolu de ces faits (car on ne peut imaginer qu'il n'en soit pas informé !) dont la France devrait au contraire s'excuser auprès du peuple Rom. En tant qu'ethnologue, humaniste et républicain, je ne peux que dénoncer une attitude indigne d'un président de la République française auquel la Constitution fait obligation de défendre les valeurs de la France, au premier rang desquelles la Liberté. 


PS : J’avais écrit cette chronique en décembre 2011. Je comptais beaucoup que l’arrivée, en 2012, de François Hollande au pouvoir change la vision officielle des Roms. Non seulement il n’en a rien été mais l’attitude de Manuel Valls en tant que ministre de l’Intérieur a été pire que celle de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était au pouvoir. Je suis écœuré que des personnes qui se disent socialistes aient pu, soit pour des raisons électoralistes, soit par conviction, à ce point ignorer l’histoire des Roms et leurs souffrances et les traiter d’une manière aussi abjecte.  

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