vendredi 26 septembre 2014

RESTLESS de Gus Van Sant (USA-2011)


[Film le 15/10/2011 en VO au Navire à Aubenas- Reprise de ma critique du 16/10/2011]

Restless est un film américain réalisé par Gus Van Sant, inspiré de la pièce de théâtre de Jason Lew, dont la sortie en salles en France a eu lieu le 21 septembre 2011. Le film a été présenté en sélection officielle du festival de Cannes 2011 dans la section "Un Certain regard".

Synopsis

Depuis la mort tragique de ses parents, le jeune Enoch a comme passe-temps favoris de participer aux funérailles d’inconnus et de converser avec son ami imaginaire Hiroshi, fantôme d'un kamikaze japonais. Un jour, sa route croise celle d'Annabel, une jolie jeune fille en phase terminale d'un cancer, et qui continue malgré tout de croquer la vie à pleines dents. Entre eux débute alors une singulière histoire d'amour où chaque minute compte...

Le film

La première scène nous montre un jeune homme, Enoch Brae (Henry Hopper, fils de Dennis Hopper), qui assiste à un service funèbre. Jusque-là, rien que de très normal. Le hic, c’est que le jeune homme n’a aucun lien de parenté avec le défunt et que la scène se répète à d’autres enterrements. On se dit que c’est une drôle d’occupation pour un ado… En fait, Enoch, habillé comme un dandy vintage, «fait» les enterrements comme d’autres « taperaient l’incruste » dans les cocktails de vernissages où ils ne sont pas invités. Lors de ce premier enterrement, il échange un sourire avec une jolie jeune fille qu’il retrouve à un autre enterrement. Comme sa conduite étrange finit par le faire remarquer, elle le sauve d’un mauvais pas en le faisant passer pour quelqu’un de la famille. Leur rencontre est-elle le fruit du hasard ? Comme il s’étonne qu’elle partage la même fascination que lui pour les enterrements, Annabel (Mia Wasikowska) lui dit qu’elle travaille à titre bénévole dans un service où l’on soigne les jeunes cancéreux. Par ailleurs, dès qu’il rentre chez lui, Enoch retrouve Hiroshi (Ryo Kase), avec qui il joue à la bataille navale. Or Hiroshi, que l’on prend au début pour son colocataire, est ce que l’on appelle « l'ami imaginaire » d'Enoch. Là encore, on se dit que le garçon « en a un grain» car, s’il est normal pour un jeune enfant d’entretenir un « ami imaginaire », ça l’est beaucoup moins chez un adolescent. Dans le cas d’Hiroshi, il est le fantôme d’un jeune kamikaze japonais de la 2ème Guerre mondiale. Bizarre, le gamin ! Par ailleurs, Enoch a cessé d’aller au lycée et il ne sort plus de sa chambre que pour aller assister à des cérémonies funéraires dédiées à des défunts inconnus, rendre visite à ses parents (au cimetière), ou se balader avec Hiroshi le long d’une rivière dans laquelle on imagine qu’il a tenté de se suicider, et jeter des pierres sur les trains qui passent. Quant à Annabel, si elle se passionne pour Darwin, l’évolutionnisme et les oiseaux marins migrateurs, elle adore aussi dessiner des insectes charognards. Pas très gai, tout cela…

On comprend mieux le comportement bizarre d’Enoch, sa fascination pour la mort, sa phobie des voitures, ses accès soudains de violence (il s’est fait renvoyer du lycée après avoir sérieusement blessé un de ses camarades) quand on sait que ses parents sont morts dans un accident de la route et qu'il ne leur a pas pardonné de l'avoir "abandonné". Quant à Annabel ‘Annie’, elle n’est pas bénévole dans un hôpital pour jeunes cancéreux mais patiente, en phase terminale d’un cancer du cerveau. Pour ces deux êtres fragiles, leur rencontre est l’occasion d’une relation exceptionnelle. En apprenant la mort imminente d’Annabel, Enoch, que l’on aurait pu croire conduit par une fascination un peu morbide, lui propose simplement de l’aider à vivre ses derniers jours, l’entraînant dans un tourbillon d’activités (patinoire, fête d’Halloween, musique, balades, etc.) Luttant contre la douleur, la colère et l’absurdité de leur destin, les deux jeunes gens vont mettre toutes leurs forces à profiter du sursis qui leur est donné. En fin de compte, même si Annabel est inexorablement condamnée et si on pouvait penser que sa mort ôterait à Enoch le peu de forces qui lui restent pour vivre, c’est le contraire qui se passe : lorsqu’il apprend qu’il n’y a plus rien à faire, après une ultime révolte, il verse enfin des larmes, chose qu’il n’avait jamais pu faire depuis pour la mort de ses parents et les souvenirs de ce qu’il a vécu avec Annabel éclaireront à jamais son chemin.

Critique
            J’avais diversement apprécié les films précédents de Gus Van Sant : si j’avais beaucoup aimé l’excellent Will Hunting (1997) ou encore Harvey Milk (2008), My own private Idaho (1991), Elephant  (2003) ou Paranoïd Park  (2007) où il dépeint, avec beaucoup de talent, je dois le reconnaître, la désespérance d’une jeunesse sans repères et la haine et la violence qu’engendre une société déboussolée.

Restless est a priori un film qui contient tous les ingrédients qu’affectionne le réalisateur : fascination pour la mort, particulièrement celle d'adolescents fauchés au début de leur existence alors qu’ils avaient tout l’avenir devant eux et l’absence, l'indifférence, l'aveuglement ou la démission des adultes, qui conduisent des êtres psychologiquement fragiles à de terribles drames.


Je ne m’explique pas trop le titre choisi par le réalisateur. Restless, cela signifie « Sans repos ».  Or, lorsque le film se termine, même si le destin tragique de ces deux adolescents beaux et fragiles nous a touchés au cœur, nous sommes au contraire apaisés et on pense qu’Enoch l’est aussi car il garde de sa brève rencontre avec Annie la joie et le goût de la vie que leur brève histoire d’amour a pu lui insuffler. C’est un film que je n'hésiterai pas de qualifier de magique, plein de grâce, de légèreté et de drôlerie, qui recèle un formidable message d’optimisme et de joie. Esthétiquement c’est aussi un film très travaillé (les vêtements d'Enoch et d'Annabelle, atypiques, hors du temps), les paysages de neige..., rythmé par une bande son parfaite où la musique d’Elliott Smith, lui aussi disparu très jeune, sert de fil rouge.    

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