lundi 1 septembre 2014

NEVER LET ME GO de Mark Romanek (USA-GB 2010)


Never let me go est un film américano-britannique réalisé par Mark Romanek, sorti le 3 septembre 2010. Il s'agit d'une adaptation du roman du même nom, traduit en français sous le titre « Auprès de moi toujours », de l'écrivain britannique Kazuo Ishiguro (2005), Prix Nobel et auteur du best-seller Les Vestiges du Jour (1989).

Synopsis

Ce film est une dystopie basée sur l'idée, annoncée dès les premières images, que la science ayant fait de tels progrès que les êtres humains vont pouvoir désormais vivre centenaires.

La conséquence de cela, c’est que l'on va devoir, désormais, comme pour un véhicule ou un objet de consommation quelconque, changer les pièces défectueuses pour permettre à ces personnes très âgées de prolonger leur vie.

Le roman et le film poussent cette logique à l’extrême, faisant abstraction, sans aucun état d'âme, de l'éthique : à savoir que des clones humains vont être élevés dans le seul but de pouvoir fournir en "pièces détachées" d’autres êtres humains dont on va prolonger artificiellement la vie...

Le film commence en 1952 dans un pensionnat anglais isolé dans la campagne du nom de Hailsham où tout semble idyllique (autant qu'un tel endroit puisse l'être !) On comprend cependant assez vite que quelque chose cloche dans la mécanique (trop) bien huilée que l'on nous présente : les enfants sont désignés par leurs prénoms et l'initiale de ce que l'on suppose être leur nom de famille et, bien que l'endroit ne semble pas être une prison, les "pensionnaires" n'ont pas le droit de le quitter et ceux qui le font disparaissent mystérieusement.

Le pensionnat est dirigé d’une main de fer par Miss Emily, incarnée par la toujours aussi glaçante Charlotte Rampling. Mais, à part une discipline stricte qui n’a rien d'extraordinaire dans un pensionnat anglais de cette époque, les enfants ont l'air plutôt heureux et épanouis. A côté des matières principales, on leur enseigne le dessin, la peinture, la poésie.... Leur créativité semble même être encouragée. De temps en temps a lieu un grand événement, la visite d'une mystérieuse «Madame» - sans nom de famille - (interprétée par Nathalie Richard) qui choisit, parmi les œuvres réalisées par les enfants, celles qu’elle va exposer sa non moins mystérieuse "Galerie".

Un autre événement est très attendu des enfants : une sorte de kermesse où ils peuvent acheter, grâce à des jetons obtenus, semble-t-il, grâce à leur bonne conduite (comme des sortes de « bons points »), des jouets, des objets, des cassettes audio (à l'époque où est censé se passer le film, on n'en est pas encore aux CD) qui proviennent de dons…

La vie quotidienne s'écoule normalement à Hailsham jusqu'au jour où une nouvelle enseignante, Miss Lucy (l'extraordinaire Sally Hawkins, découverte dans le jouissif et drôlatique Be happy de Mike Leigh) leur révèle brutalement la vérité : ils ne sont que des clones élevés pour donner leurs organes lorsqu'ils seront parvenus à l'âge adulte. On imagine sans peine le choc que ces enfants, élevés en vase clos peuvent ressentir, émotion partagée par le spectateur qui, s'il avait compris qu'on lui cachait quelque chose, ne s'attendait pas à une telle révélation. Miss Lucy disparaîtra du paysage et on n'entendra plus jamais parler d'elle.

Dans la 2ème partie du film, qui se déroule une 10e d'années plus tard, les enfants sont devenus des adolescents. Les trois héros (Kathy, interprétée par Carey Mulligan, Ruth, jouée par Keira Knightley et Tommy, incarné par Andrew Garfield) ne vivent plus au pensionnat mais dans une sorte de ferme un peu "baba cool", appelée « Les Cottages » avec d'autres adolescents issus d’autres établissements du même genre.

Des idylles se nouent. Kathy qui, depuis l’enfance, a toujours été amoureuse de Tommy, s'efface devant Ruth qui, lorsqu’ils étaient enfants, le persécutait. Des rumeurs circulent aussi : celle selon laquelle les clones ont des « modèles ». Certains affirment avoir vu en ville le « modèle » de Ruth. Dans cette ferme, les adolescents sont plus libres de leurs mouvements qu'au pensionnat. Ils disposent d'une vieille voiture qui leur permet de se rendre "à la ville". Là, on découvre des gens qui mènent une vie normale, qui travaillent, ont une famille, sont heureux…  Les jeunes gens se rendent à l'agence de voyages où on leur a signalé que travaillait le « modèle » de Ruth. Mais c'est la déception. La jeune femme lui ressemble vaguement, certes, mais nos héros doivent se rendre à l'évidence : Ruth n’est pas son clone. Déçus, ils retournent aux Cottages. Une autre rumeur circule : elle dit que, si les jeunes gens sont profondément amoureux l'un de l'autre, on leur octroiera un sursis avant de prélever leurs organes. Tommy commence à former l'idée selon laquelle les visites de « Madame » étaient faites dans ce but : choisir des œuvres qui prouvaient l'affinité de certains pensionnaires. Kathy a eu la « chance », elle, de voir beaucoup de ses œuvres sélectionnées alors que lui n'en a eu aucune. Il s'imagine alors qu'en se mettant à dessiner et à peindre, il aura lui aussi sa chance.

Dans la 3ème partie, qui se place seulement quelques années après l'épisode des Cottages, les jeunes gens ont été dispersés. Kathy est devenue « accompagnante ». Son rôle est d'accompagner les "donneurs" et les aider à survivre jusqu'au prochain "don" (c’est le terme employé mais nous savons qu’il signifie "prélèvement d'organe") qui les tuera. En faisant cela, elle gagne quelques années mais ne sera pas pour autant exonérée de devenir à son tour une « donneuse » lorsque le moment viendra. Un jour, par hasard, elle tombe sur Ruth dans un hôpital où son ancienne amie vient d'être opérée. Ruth est très affaiblie et on ne se fait pas beaucoup d'illusions sur ses possibilités de survie. Comme un dernier cadeau, Kathy aide Ruth à quitter l'hôpital pour aller rendre visite à Tommy, qui se trouve lui aussi en convalescence dans un autre hôpital après son dernier « don ».

Les trois amis partent revoir les lieux de leur enfance, autrement dit ceux de l'orphelinat d'Hailsham. Les bâtiments sont fermés, abandonnés. Tommy, persuadé jusqu'à l'obsession que leurs œuvres d'enfants étaient sélectionnées dans le but de prouver leur affinité, veut à tout prix aller présenter son travail à "Madame", dont ils ont miraculeusement obtenu l'adresse. Ils se rendent chez elle et la trouvent occupée à planter des fleurs dans le jardinet devant sa maison. D'abord surprise et réticente, elle les fait néanmoins entrer. Mais, arrivés dans le salon, les jeunes gens ont une surprise de taille : Miss Emily, devenue paralysée et en fauteuil roulant, fait son apparition. Les amis exposent leurs espoirs fous aux deux femmes mais celles-ci les détrompent : la Galerie n’a jamais existé, et il n'y a aucun « sursis » à attendre. Mais  Miss Emily, pas plus que «Madame» n'ont un aussi mauvais rôle qu'on aurait pu le croire dans l'histoire. Elles-mêmes, en développant le sens esthétique des enfants, voulaient démontrer à leurs commanditaires que ceux-ci ne pouvaient être considérés uniquement comme des « usines à organes» mais qu'on devait tenir compte de leur sensibilité, de leur humanité. Elles reconnaissent devant les jeunes gens que leurs tentatives ont été un échec. Les amis, désemparés, quittent les deux femmes.

Un peu plus tard, on voit mourir Ruth sur la table d'opération. Dans la dernière scène, Kathy accompagne Tommy vers le bloc pour un ultime prélèvement.

Ce film est d'autant plus terrifiant qu'il ne montre jamais aucune violence de la part des bourreaux. Tout se passe dans le non-dit. La société dans laquelle se déroulent ces faits semble « normale » sauf que la norme en est l'inhumanité la plus épouvantable. Le pire de l'histoire, le plus choquant, est que les clones ne se rebellent pas, ne cherchent pas à s'affranchir du sort qui les attend, alors que rien ne semble les en empêcher. A l'extrême, ils pourraient s'autodétruire, se suicider, mais ils ne le font pas, ils acceptent sans se révolter...

Ce thème de clones élevés pour servir de "banque d'organes" a déjà été abordé dans le film The island  (L’Ile), film dystopique de science-fiction où les héros, Ewan McGregor et Scarlett  Johansson, sont élevés dans un univers aseptisé, coupé du monde, dans le même but : servir de pièces de rechange à des personnes riches pour qui ils représentent  une « assurance vie ». Mais, dans L’île, ni les clones, ni les « modèles», ne connaissent la vérité et, lorsqu'ils l'apprennent et découvrent la réalité, les clones se rebellent et la société condamne cette horreur. Mais, à la différence de The Island, Never let me go  ne propose au spectateur aucune échappatoire, aucune porte de sortie.

Les jeunes acteurs sont touchants de grâce et de fragilité : Andrew Garfield, que j'avais découvert dans Lions and lambs et apprécié de plus en plus au fur et à mesure des films dans lesquels je lai vu par la suite (Boy A, The social network), Keira Khightley, qui était sublime dans The Duchess  mais aussi Carey Mulligan  qui joue le rôle de la sœur de Jack Kipling (dans le très émouvant My boy Jack), sont magnifiques. Je dois aussi saluer la prestation du très jeune acteur britannique Charlie Rowe qui joue le rôle de Tommy jeune. C’était lui qui jouait aussi le rôle de Billy Costa dans La Boussole d'or (The golden Compass). Il ira certainement très loin si les producteurs lui donnent sa chance.

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